Le premier aperçu que nous eûmes de la Cité Casino était digne des rêves les plus fous d'un électricien. Alors que notre navire voguait sur les eaux paisibles de l'Archipel du Dieu Perdu, l'Ile Casino se découpait, silhouette sombre sur fond d'étoiles (Ne gâchez pas tout en venant pendant la journée!) Nous dépassâmes le cap septentrional de l'Ile et entrâmes dans les eaux de la Baie. Une petite vedette horali, toute de métal à moitié rouillé, et qui semblait avancer sans voile ni rames mais avec un bruit pétaradant et en crachant une épaisse fumée noire par un tuyau, vint à votre rencontre. Le rafiot était ridiculement orné de lampions colorés et le capitaine se tenait à l'avant, tenant à bout de bras une lanterne qui jetait une lumière blafarde sur sa face de cauchemar, balafrée, couverte de plaques de métal et autres bidules, et (gasp!) souriante.
Il portait une armure de plates qui faisait "zzzt" à chacun de ses gestes. Les autres Horals qui manœuvraient le bateau n'étaient guère différents de lui si ce n'est pas leurs différents symptômes de dégénérescence; le capitaine demanda très poliment, d'une voix rauque et étrangement amplifiée, s'il pouvait monter à bord pour un contrôle de routine. Le contrôle fut vraiment mineur. Le Horal s'essaya à quelques plaisanteries qui tombèrent lamentablement à l'eau vu que même dégénéré il restait un Brithini, dont le sens de l'humour n'était pas sa spécialité.
La "vedette" bringuebalante nous guida dans les eaux calmes de la baie et c'est alors que nous eûmes notre premier aperçu de la Cité Casino, une ville de lumières qui brillait dans la nuit, sur le flanc d'une colline.
Comme le bateau approchait, nous pûmes distinguer les nombreux bâtiments éclairés d'enseignes lumineuses, et la célèbre Grande Roue, immense roue de métal qui tournait, montée sur un grand support de métal qui l'empêchait de rouler le long de la baie, si bien qu'elle faisait du sur-place. Seuls, tout au sommet, le clocher effilé de la Cathédrale et la Tour des Talars restaient dans l'ombre.
Le Port, sur la rive occidentale, est bien plus normal, éclairé par les lumières naturelles des bistrots de marins, voire même carrément sombre par endroits. Alors que notre vaisseau jetait l'ancre dans l'un des bassins, la vedette des Horals nous quitta. Une barque vint à la rencontre de notre navire. Un fonctionnaire bien habillé, bien qu'affligé d'un espèce de tic nous souhaita la bienvenue et nous demanda si nous souhaitions payer la taxe portuaire tout de suite ou à notre départ.
Les heureux gagnants que nous croisions et qui quittaient la cité n'étaient pas nombreux et souvent étaient assaillis par les mendiants et les enfants des rues, fort nombreux dans ce secteur car les Horals leur interdisent de fréquenter la Cité des Jeux. Beaucoup sont également des pickpockets avertis, donc vous êtes prévenu.
La Cité Casino est étagée à flanc de colline sur quatre niveaux. Plus on monte de niveau, plus les jeux sont magiques. Le niveau le plus bas, la Cité des Jeux, est aussi le plus vaste et le plus malfamé. Il est bien pourvu en établissements de jeux, attractions et hôtelleries de toutes sortes.
La Cité Casino est une ville à l'architecture étrange de bois et de métal, mais pas de pierre, à l'exception de la Tour des Talars et la Cathédrale. Partout elle est brillamment illuminée par des enchantements en forme de lettres, de runes de la Chance et d'autres symboles stylisés de silhouettes évocatrices, même si dans les quartier bas de gammes les enchantements sont parfois défectueux. On y trouve les plus luxueuses des hôtelleries comme les plus infréquentables des bouges.
Les salles de jeux sont partout. Enfumées, elles résonnent des voix des seigneurs décadents et des grandes dames, des prostituées et des héros; le frou-frou de la soie y côtoie le cliquetis des cottes de mailles, les flûtes et les luths des ménestrels couvre à peine le rire des courtisanes et des ivrognes, le beuglement des barbares et les pets discrets des aristocrates distingués. Et bien sûr, les cris des croupiers et le cliquetis des machines à sous est omniprésent.
A de nombreux carrefours on peut se recueillir et offrir des donations dans les chapelles de Notre Dame du Profit (Elle Donne et Elle Reprend), qui de la main droite fait le signe de la Chance, le point fermé, l'index et l'auriculaire pointés vers le bas. Les fidèles lui baisent la main et placent une partie de leurs gains dans la tirelire qu'elle tend de la main droite, espérant ainsi que la Dame continuera à les favoriser.
Dans les salles plus huppées, l'ambiance est plus feutrée, car les joueurs se concentrent. En effet tout est prévu pour que l'argent gagné soit repris par la cité, soit perdu dans le jeu suivant, soit dépensé dans l'une des innombrables tavernes et salles de spectacles.
Dans les caniveaux, on entend les pleurs de ceux qui ont tout perdu et n'ont plus que leur larme - et leurs dettes bien sûr. A intervalle régulier ils sont ramassés par les Horals au cœur de métal et emmenés... qui sait où?
Rares sont les heureux à gagner le jackpot. On dit que le baron Sanuel aurait ainsi gagné son domaine de la Vallée de la Marzeel en jouant contre la femme de Fazzur, le Gouverneur Général de la Passe du Dragon.